Compte personnel de formation (CPF) : des avancées et de nouveaux freins

Il y a deux ans l’ADEIC s’était inquiétée de la pression commerciale très forte sur les titulaires du CPF via des organismes peu scrupuleux. Des avancées législatives sont intervenues mais utiliser son CPF a désormais un coût et n’est pas des plus faciles.

 

Depuis 2018 et la mise en place de la plate-forme « Mon compte formation »,  les actifs avaient eu en effet à supporter de nombreux préjudices : détournement et utilisation frauduleuse de comptes, méthodes marketing agressives et mensongères, orientation vers des formations de mauvaise qualité, sessions fictives…

 Où en est-on aujourd’hui ?

Une loi pour lutter contre les abus et les fraudes au Compte personnel de formation (CPF) a été votée en décembre 2022. C’est une avancée pour prévenir,  sanctionner les abus et les fraudes.

Des mesures sont désormais mises en place :

  • Interdiction de la prospection commerciale pour la collecte des données personnelles du titulaire du compte (montant des droits acquis, identification permettant d’accéder à la plate-forme) et pour la conclusion de contrats sur des actions de formation éligibles au CPF.
    Les lourdes sanctions en la matière (75 000 euros pour une personne physique, 375 000 euros pour une personne morale) seront prononcées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Celle -ci pourra échanger des informations avec les certificateurs Qualiopi[1] et les différents financeurs pour recouvrir les sommes indûment versées.
  • Lutte contre l’utilisation frauduleuse du compte par le titulaire, avec un pouvoir renforcé de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) pour recouvrir les fonds.
  • Durcissement du référencement par des conditions plus strictes : déclaration d’activités conforme à la loi, détention de la certification Qualiopi, respect de la législation fiscale et des Conditions générales d’utilisation (CGU) de la plate-forme. Ces exigences seront par ailleurs étendues aux sous-traitants.
  • Déréférencement des organismes défaillants.

Un déficit d’accompagnement et un accès via l’application trop complexe

Parallèlement à ce dispositif législatif, l’application CPF a été sécurisée puisqu’il y a désormais obligation de s’inscrire sur France Connect pour l’utiliser, avec un contrôle via l’identité numérique (voir le livret publié par l’UNSA  « Comment utiliser son CPF »).

Malheureusement la procédure, très complexe, est sans doute un frein, notamment pour les publics les moins agiles avec le numérique et a fortiori pour ceux n’y ayant pas accès.

Il n’est donc pas étonnant que ce facteur ait joué avec d’autres (« nettoyage » des catalogues, révision des listes d’organismes…) dans la forte baisse du nombre d’entrées en formation en 2023, comme le montre une étude la DARES.

Les publics les moins qualifiés sont les plus impactés : -37 % pour les infra-bac alors qu’elle est moins prononcée pour les plus diplômés ( -23 %).

L’accompagnement du titulaire du compte, laissé seul devant son application, est toujours le point faible et le recours au Conseil en Evolution Professionnelle (CEP[2]) est encore trop marginal, notamment par manque d’information de la part des employeurs et des pouvoirs publics.

Par ailleurs, malgré les effets d’annonce, le co-financement d’une formation via le CPF par un tiers (entreprise, OPCO, collectivité…) reste marginal avec 1% des dossiers seulement.

Un nouveau reste à charge de 100 euros !

L’accès à la formation reste donc difficile et la récente mesure gouvernementale consistant à faire payer aux salariés un reste à charge de 100 euros par formation est un nouvel handicap dans cette période d’inflation.

Cette participation pourra par contre être prise en charge par l’employeur ou par l’OPCO[3]. A cet égard, le salarié devra être vigilant par rapport à son employeur si celui-ci avait la tentation de conditionner sa contribution de 100 euros à un choix de formation.

Pour l’ADEIC malgré des avancées dans les domaines de la sécurisation des comptes CPF , la promesse de la « liberté de choisir son avenir professionnel » est encore loin d’être une réalité pour de trop nombreux actifs.

 

Notes :

[1] Le label Qualiopi vise à attester de la qualité du processus mis en œuvre par les prestataires d’actions concourant au développement des compétences et à permettre une plus grande lisibilité de l’offre de formation auprès des entreprises et des usagers. Depuis le 1er janvier 2022, cette certification qualité est obligatoire pour tous les prestataires d’actions (organismes de formation, prestataires indépendants…) concourant au développement des compétences qui souhaitent accéder aux fonds publics et mutualisés.

[2] Le Conseil en évolution professionnelle (CEP) est un dispositif d’accompagnement totalement   gratuit et personnalisé pouvant répondre à la demande de tous les actifs (salariés, demandeur d’emploi …) pour mettre en place un projet d’évolution professionnelle (reconversion, reprise ou création d’activité…).Pour trouver un CEP :  https://mon-cep.org/

[3] Un Opérateur de Compétences (OPCO) est un organisme agréé par l’État chargé d’accompagner la formation professionnelle. Ces organismes ont remplacé progressivement, les anciens Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

crédits image : vectorjuice pour freepik.com

Imprévu lors de l’exécution d’un contrat

Imprévu lors de l’exécution d’un contrat

Madame L s’inscrit en avril 2021 sur une formation en ligne lui permettant de se préparer pour obtenir un CAP, pour la somme de 1 807,16 euros. Elle verse un acompte de 39 euros, le reste sera payé par mensualités de 41,12 euros.

Elle commence les cours mais, au cours de la formation, elle perd son emploi en CDI et ne peut plus payer les mensualités restantes.

Elle demande donc à la société de formation, de mettre fin au contrat d’enseignement, ne pouvant plus payer le reste de l’année en cours. La société refuse et lui propose de passer momentanément à des mensualités de 21 euros, puis elle remet en place des mensualités de 41 euros. Les prélèvements se poursuivent jusqu’en octobre 2022, dégradant davantage la situation financière de Madame L. Elle ne peut alors plus du tout payer les mensualités restantes. La société de formation fait alors appel à un huissier pour réclamer le paiement de la totalité des paiements restants, soit 1 377 euros.

Madame L fait donc appel à l’ADEIC qui a rédigée une mise en demeure, transmise par lettre recommandée avec accusé de réception, afin de mettre fin au contrat sur le fondement de l’article 1195 du Code civil.

            Voici l’article applicable :

Article 1195 du Code civil

Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

            Application à la situation :

Madame L a fait face à des difficultés financières, provoquées par le changement de sa situation professionnelle, de salariée en CDI à demandeuse d’emploi, changement qu’elle n’aurait pu anticiper au moment de la conclusion du contrat, au vu de la garantie de pérennité assurée par un contrat de travail à durée indéterminée. La poursuite de la formation en ligne et de son paiement constituaient désormais un coût excessif étant donné les revenus dont Madame L bénéficie actuellement.

De plus, Madame L avait fait preuve de bonne foi et avait tenté par d’autres moyens de financer le paiement de ces mensualités, jusqu’à ce qu’elle n’en ait pu la capacité. La réduction de tarif proposée s’est révélée une tentative de négociation inadéquate.

Elle est donc en droit de proposer la résolution du contrat à son cocontractant.

Résolution du litige :

            La lettre de l’ADEIC a donc mis en demeure la société de formation de convenir à la résolution du contrat de Madame L.

La société, a fini par accepter la résolution du contrat et notre adhérente ne se verra plus contrainte de payer d’autres mensualités ou de répondre à la réclamation de l’huissier.