Baisse de la consommation bio en France : moins d’intérêt ou de plus grandes difficultés ?

Depuis le début des années 2020, une tendance semble se confirmer, accentuée par les diverses crises et leurs répercussions sur la consommation : le bio perd du terrain, et les labels environnementaux ou éthiques ne semblent plus être aussi recherchés. Cependant, si le marché du bio est effectivement en difficulté, il n’a pas dit son dernier mot et cherche constamment à se renouveler.

Au premier semestre 2024, dans la grande distribution, les produits bio poursuivent une baisse significative de leur chiffre d’affaires, initiée depuis le début des années 2020. C’est ce qu’expose un rapport de l’Agence Bio de septembre 2024 : tous les produits bio ont vu leur vente diminuer, plus ou moins sévèrement, sur ces deux dernières années. Comment expliquer cette situation ?

L’inflation a beaucoup joué dans une baisse tendancielle de cette consommation. En effet, toujours selon ce rapport, on constate un glissement des achats vers des produits non-bio, moins onéreux, mais aussi moins exigeants. Cependant, on peut aussi constater que la grande distribution n’a plus autant misé sur le bio, réduisant les possibilités d’achat et la mise en avant des produits. Car si la vente baisse dans les supermarchés, elle ne connaît pas toujours la même trajectoire ailleurs.

En effet, selon circuits-bio.com, en 2023, la vente directe, par les producteurs, a connu une croissance de 8,7%, représentant 14% des ventes totales de bio. Du côté des magasins spécialisés, même s’ils ont accusé de nombreuses fermetures ces dernières années (254 en 2022 et 298 en 2023), les enseignes restantes connaissent une croissance de 2,2% de leur vente au niveau national, et le circuit a réussi à générer 70 M€.

On le comprend, la situation du marché bio est mitigée : elle ne connaît pas la dégringolade spectaculaire qu’on veut parfois lui attribuer, mais elle dans une relative stagnation depuis 2023. Si l’achat de bio pour la consommation à domicile garde un certain dynamisme, ça n’est pas le cas pour le bio dans les cantines, qui a reculé à 6% en 2023 (alors que l’objectif du Plan National Nutrition Santé était d’atteindre 20%), ni pour la restauration commerciale, où le bio ne représente qu’1% du marché !

Une production moins attrayante ?

Cette “crise” du bio est à considérer également en termes de production. En effet, la surface dédiée au bio a diminué ces dernières années. En 2023, la part en bio de la surface agricole utile de l’Hexagone (environ 26,7 millions d’hectares) était de 10,36 %, contre 10,50 % en 2022, ce qui représente une diminution de 54 000 hectares au moins. Une baisse qui s’explique par le retour en “conventionnel” de grandes surfaces fourragères, et qui montre que les aides à la conversion n’ont pas été suffisantes pour les agriculteurs. La FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique) explique d’ailleurs dans un communiqué que “ce sont bien des aides dans la durée qui permettent d’inciter au passage en bio, pas des aides très généreuses sur une période courte. ».

Car si les agriculteurs ont pu se lancer dans le bio ces vingt dernières années grâce au soutien de l’Etat, les crises géopolitiques récentes n’ont pas été compensées par une aide suffisante. Dans un récent reportage de France 3, un éleveur porcin de la région Centre-Val-de-Loire explique ainsi que la guerre en Ukraine et la montée des prix a rendu  la vente de bio plus incertaine, et l’apport de nourriture bio pour le bétail trop cher. La déconversion a permis aux éleveurs de maintenir une nourriture satisfaisante et des conditions de vie décentes pour les animaux. Cela illustre bien les déconvenues et la résignation d’agriculteurs pourtant attachés à une production qualitative et respectueuse du vivant.

Une filière qui s’adapte et se renouvelle

Néanmoins, on peut opposer à cette déconfiture de l’agriculture bio quelques signes rassurants pour l’avenir. Certains commerçants bio ne connaissent pas la crise, en particulier les sites de e-commerce comme La Fourche ou Bene Bono. Alors que le bio dégringolait dans les supermarchés, le site La Fourche a ainsi connu une hausse de 75% de son chiffre d’affaires en 2023, selon le site lsa-conso, et le site Bene Bono, ouvert en 2020, qui mise sur des invendus à prix réduit, a annoncé une levée de fonds de 10 millions d’euros. De plus, les perspectives semblent plutôt optimistes pour le bilan 2024, avec une hausse prévue de 2% du marché bio sur l’ensemble du territoire.

Malgré les difficultés économiques, les préoccupations des consommateurs concernant leur alimentation et ses conditions de production sont toujours présentes, et la filière bio n’a pas fini de se dynamiser, à l’aide de nouveaux modes de commercialisation. Le marché du bio peut donc envisager un avenir, sinon serein, au moins de maintien et d’adaptation, dans une société où manger sainement et rétribuer équitablement les producteurs apparaît de plus en plus important.

Législation sur les Nouvelles Technologies Génomiques : L’Adéic défend sa position au Sénat.

Jeudi 7 décembre, l’Adéic ULCC a été reçue au Sénat, aux côtés de l’ UFC-Que Choisir, pour échanger sur  le projet de règlement européen concernant les nouvelles technologies génomiques (NGT), autrement dit les nouvelles générations d’OGM.

L’Adéic, qui a toujours privilégié l’information et la défense des consommateurs, est  opposée à ce projet de modification de la  réglementation. Et ce pour plusieurs raisons :

– Parce que le projet de loi prévoit de supprimer l’évaluation des risques, l’étiquetage des nouveaux types d’OGM, ainsi que le suivi post-commercialisation jusqu’à présent en vigueur, privant ainsi les consommateurs de protection et de leurs droits à une information fiable. Or, selon l’article L. 441-1 du Code de la consommation, la dissimulation et/ou la réticence d’informations sont des moyens d’induire en erreur le consommateur, et doivent être réprimés. Il s’agirait donc d’une forme de tromperie sur les caractéristiques d’une marchandise, à laquelle nous nous opposons.

– Parce qu’on ne prendra plus en compte le principe de précaution pourtant inscrit dans le droit européen. Bien qu’ils bénéficient d’une modification génétique plus ciblée, ces NGT restent des OGM, et doivent être considérés comme tels. De nombreux risques sont identifiés, au niveau agronomique et environnemental mais aussi sur la santé humaine et animale ou sur les écosystèmes naturels. En effet, ces plantes modifiées promettent un usage accru des herbicides, car elles y seront tolérantes, et produiront un insecticide d’un nouveau type, sur lequel nous n’avons aucun recul. Rien ne permet de garantir la sécurité pour notre santé et notre environnement !

– Parce que sans régulation appropriée, ces OGM sont susceptibles de contaminer les cultures avoisinantes. En effet, la commission délèguera aux États la responsabilité de gérer les contaminations, tout en les privant des outils nécessaires pour prévenir, éviter et contrôler ces risques de contamination (méthode de détection, financement des labos, outils de suivi…). Par conséquent, nombre de cultures sans OGM risquent de retrouver des OGM dans leurs plants, et de devoir en plus payer des royalties à l’entreprise qui détient le brevet sur ces organismes modifiés. Cela pourrait affaiblir, voire détruire l’agriculture biologique dans notre pays, car si elle est contaminée, le label « Bio » ne peut plus être garanti. Cela a été le cas pour le maïs Bio aux États-Unis, qui a progressivement disparu.

– L’Adéic regrette surtout que cette consultation arrive aussi tardivement, alors même que nous avons été informés de ces projets de la Commission de « désétiquetage » des nouveaux types d’OGM dès juin 2022, et que l’avis des consommateurs est uniformément favorable au maintien des informations.

Nous espérons que les sénateurs Karine Daniel, Jean-Michel Arnaud et Daniel Grémillet, membres de la commission des Affaires européennes du Sénat, qui nous ont reçus, ont entendu nos alertes. Il serait impensable et dangereux de régresser en matière de droit environnemental !

Politique Agricole Commune : le Plan Stratégique National Français

Politique Agricole Commune

Après avoir été recalé une première fois, pour « manque d’ambition environnementale et climatique », avec notamment une critique portant sur le soutien insuffisant au Bio, le « Plan stratégique national » français (PSN) de la prochaine PAC (Politique Agricole Commune), pour la période 2023-2027, a été définitivement approuvé par la Commission européenne le 31 août 2022. Il intègre les derniers ajustements négociés entre Paris et Bruxelles et va entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2023.

Ce document de référence de 1800 pages présente la planification stratégique adoptée pour la mise en œuvre de la PAC, au cours des prochaines années. Le PSN, élaboré après une longue concertation (Etat, Régions, professions agricoles, ONG, associations de défense des consommateurs), vise à favoriser le développement d’un secteur agricole plus diversifié et à accompagner la transition agroécologique exigée. Il s’agit également d’assurer le développement social et économique des zones rurales et de montagne. La principale nouveauté de cette PAC est en effet la création des « éco-régimes », des aides facultatives, attribuées pour récompenser des pratiques plus favorables à l’environnement. Les conditions d’accès à ces « éco-régimes » ont fait d’ailleurs partie des points qui ont soulevé le plus de débats. Parmi les faiblesses du plan français initial, Bruxelles avait critiqué en effet le fait que Paris permette aux agriculteurs certifiés « Haute valeur environnementale » (HVE), dont les critères sont bien moins contraignants que le Bio, de bénéficier du plus haut niveau d’aide prévu dans le cadre des « éco-régimes ». Pour répondre aux critiques de Bruxelles, le gouvernement a décidé de rehausser les aides des « éco-régimes » pour les exploitations en Bio, en « créant un niveau spécifique », et de renforcer les exigences (gestion de l’eau, biodiversité, réduction des pesticides) du label HVE, faisant l’objet de critiques. Le Ministère de l’Agriculture a indiqué notamment dans un communiqué qu’il voulait « encourager une diversité renforcée des systèmes de production » et « inciter au renforcement de la résilience du secteur en recherchant la sobriété en intrants » (engrais, pesticides). Le label HVE (Haute Valeur Environnementale) mis en avant dans ce PSN reste cependant contesté par de nombreux acteurs car il permet de continuer à utiliser des produits phytosanitaires dans les exploitations.  Pour atteindre l’ambition fixée d’avoir 18 % de la surface agricole nationale en agriculture biologique en 2027, le budget pour la conversion au Bio est passé désormais à 340 millions d’euros par an. Les aides au maintien du Bio sont en revanche supprimées, ce qui ne parait pas très cohérent. La transition au Bio nécessitant, chacun le sait, plusieurs années.

La nouvelle PAC 2023 – 2027 est dotée d’un budget global de 387 Milliards d’euros, soit près d’un tiers du budget pluriannuel de l’Union européenne.  Dans ce contexte, 270 Milliards d’euros cibleront des aides directes aux agriculteurs. La part qui reviendra à la France sera de 45,2 Milliards d’euros, soit 11,7 % du budget global de la PAC. Face aux impacts de la guerre en Ukraine sur les prix de l’alimentation (pénuries observées pour les céréales, les huiles notamment), et pour atteindre les chiffres de production que s’est fixée la France (en vue d’une meilleure souveraineté alimentaire), les questions de la rotation des cultures et de la biodiversité, du remplacement générationnel des agriculteurs, du développement du Bio, limitant à l’avenir l’utilisation de produits toxiques, nous paraissent être aujourd’hui des objectifs primordiaux.