Origine des produits alimentaires : des pistes pour mieux informer le consommateur ?

Dix ans après la création du Nutri-score, et juste après l’amélioration de son algorithme, de nouveaux outils d’évaluation et de traçabilité des aliments voient le jour en France, à des stades plus ou moins avancés. Si les consommateurs plébiscitent ce genre d’affichages, les industriels y sont rarement contraints.

 

Selon une étude de 2023, citée par le ministère de l’Economie, plus de 8 français·e·s sur 10 trouvent important de connaître l’origine des produits qu’ils achètent. Si l’origine géographique des produits bruts comme les fruits et légumes est obligatoire en rayons, celle des produits transformés n’a jamais fait, jusqu’à présent, l’objet d’une loi contraignante.

C’est pourquoi Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, a lancé en mars dernier la démarche « Origine-Info », ayant pour but d’indiquer sur les emballages des produits alimentaires, même transformés, l’origine de leurs principaux ingrédients. Cette démarche, dont le cahier des charges et le logo devraient être dévoilés au cours du mois de mai, s’avère cependant non exhaustive : il s’agira de préciser la provenance des deux ou trois ingrédients principaux du produit, sans code couleur particulier. Un QR code pourrait venir compléter ces informations.

Qui plus est, si de premières expérimentations sont prévues dans nos magasins pour cet été, cette démarche reste sur la base du volontariat. Seules les enseignes de « bonne volonté » proposeront donc des produits étiquetés « Origine-Info ». Pour la ministre, « une quarantaine de marques industrielles » serait volontaire pour tester le dispositif, parmi lesquelles Fleury Michon, Bonduelle, D’Aucy, Yoplait, et les marques de distributeurs (MDD). Mais si ces affichages restent à la bonne volonté des marques, celles-ci risquent d’apposer l’origine des aliments seulement si cela redore leur image, et de laisser toute une partie des ingrédients dans un flou géographique. Des négociations à venir, en 2025 à Bruxelles, permettront peut-être d’engager une démarche plus contraignante à l’échelle européenne.

L’origine des viandes s’étend aux produits transformés

Autre progrès – apparent – dans la transparence de l’information : depuis un décret du 4 mars dernier, l’origine des viandes doit apparaître dans les compositions des produits transformés. Cette décision concerne les restaurants, cantines et établissements, proposant des repas à emporter ou à livrer. Si la viande « brute » et le poisson étaient déjà soumis à une traçabilité stricte, il n’en était rien, jusqu’alors, pour des produits transformés comme les nuggets ou le cordon bleu. Le décret vise aussi à préciser si l’animal a été élevé et abattu au même endroit, ou s’il s’agit de deux pays différents.

Néanmoins, ce décret, adopté essentiellement pour répondre aux revendications des agriculteurs (qui exigeaient l’indication systématique de l’origine des produits), s’avère limité et peu contraignant : ces obligations ne s’appliquent que si le restaurateur « a connaissance » de l’origine de ses produits. Or, rien ne l’oblige pour l’instant à vérifier ces informations de son fournisseur. De plus, dans certaines conditions, la mention du pays peut être remplacée par la mention « UE » ou « non UE », des indications vagues et peu marquantes pour les consommateurs. Il s’agit là encore d’une décision prise rapidement, face à l’urgence d’une crise, mais qui ne se donne pas les moyens d’être appliquée systématiquement.

Un projet d’étiquette pour évaluer le bien-être animal ?

En plus de l’origine, d’autres critères font l’objet d’une attention croissante de la part des consommateurs. C’est le cas du bien-être animal, défendu par de nombreux labels, mais qui n’a bénéficié d’aucune évaluation homogène jusqu’alors. C’est pourquoi l’ANSES a publié le 2 mai dernier un rapport en faveur d’un étiquetage commun à toutes les bêtes, sur tout le territoire. Pour l’Agence nationale de santé, il importe de fonder l’évaluation du bien-être animal sur des indicateurs scientifiques du bien-être, mesurés directement sur les animaux, et pas uniquement sur leurs conditions d’élevages. Le rapport propose une classification harmonisée à 5 niveaux, sur le modèle du nutri-score. Si le niveau E correspond au respect minimum des exigences européennes, les niveaux supérieurs prennent davantage en compte les conditions de vie, ainsi qu’un « état mental et physique positif » de l’animal, que ce soit au cours de l’élevage, du transport et de l’abattage.

Ainsi, l’ANSES identifie six domaines présentant des facteurs de risque : la génétique, l’alimentation, l’environnement, la santé, les interactions comportementales et l’état mental. L’évaluation porterait sur l’animal en priorité (sa production, sa motivation, son sommeil, ses blessures…) et sur son environnement (hébergement, place de couchages, nature du sol…). L’agence prend également en compte les conditions de vie des ascendants des animaux, qui doivent être renseignées, faut de quoi la note ne dépasserait pas le niveau C.

Le travail de l’ANSES paraît cohérent, précis et applicable, et coïncide avec une réelle préoccupation européenne. Il correspond aussi au souci croissant des consommateurs de savoir où, comment et avec quelles précautions ont été produits les aliments qu’ils achètent. Il reste à espérer, et à lutter pour qu’une volonté politique fasse suite à ces appels, et fasse prévaloir l’information du consommateur sur des intérêts purement financiers.

MAJ : Depuis l’été 2024, le label Origin’Info est en cours d’expérimentation avec un logo unique sur plus d’une centaine de marques en magasin. Plus d’infos sur economie.gouv

Éducation à l’alimentation en France : où en sommes-nous ? Le Conseil national de l’alimentation fait le point.

[Communiqué de presse]

En 2019, le CNA publie l’avis 84 sur l’éducation à l’alimentation qui s’inscrit dans le prolongement de ses travaux sur la promotion d’une alimentation favorable à la santé. 5 ans plus tard, un groupe de travail se mobilise afin de faire le point sur la mise en œuvre de ses recommandations. Le constat est sans appel, ses recommandations sont partiellement réalisées malgré l’existence d’actions territoriales allant dans le sens des deux ambitions de l’avis : promouvoir une éducation à tous les âges de la vie pour rendre autonome et construire une vision globale de l’alimentation et aller vers une cohérence et une complémentarité des messages.

Composé de membres représentants tous les collèges du Conseil national de l’alimentation et présidé par le Professeur Daniel Nizri, un groupe de travail interne au CNA a mené le suivi des 9 recommandations clés de son avis 84 sur l’éducation à l’alimentation. Ces recommandations, dont certaines font l’objet de dissensus, portent sur les outils et méthodes d’éducation à l’alimentation, la formation des professionnels, l’accompagnement des parents, le rôle de l’école et l’environnement alimentaire de toutes et tous. Malgré de nombreuses actions menées dans les territoires qui vont dans le sens des ambitions de l’avis, le groupe s’est accordé à dire que ces recommandations sont toutes partiellement réalisées et qu’elles nécessitent un changement d’échelle, par exemple grâce à la priorisation d’une politique nationale de prévention de la santé par l’alimentation.

Fort de ce constat, le groupe a travaillé à l’identification des freins à la mise en œuvre de ces recommandations ainsi que des leviers pour faciliter leur application.

Pour Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente du CNA, « ces travaux s’inscrivent dans une démarche globale de suivi des avis du CNA initiée depuis 2022 et consolidée en 2023 avec ce groupe de suivi. Les productions issues de ces travaux sont, comme les avis du CNA, des œuvres collectives résultant de la concertation des membres du CNA. Elles visent à enrichir la décision publique comme privée pour assurer à toutes et tous un accès à une alimentation saine, sûre, digne et durable ».

Stratégie Nationale pour l’Alimentation, la Nutrition et le Climat : de quoi s’agit-il ?

Déjà impliquée dans les travaux du CNA (Conseil National de l’Alimentation) contribuant à redéfinir une stratégie nationale pour l’alimentation, L’Adéic maintient aujourd’hui son engagement pour une stratégie ambitieuse, écologique et sociale.

L’Adéic-ULCC, membre du CNA, a participé aux travaux qui ont permis de publier, en avril dernier, une contribution sur la future Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), prévue dans le cadre de la Loi « Climat et résilience » d’août 2021 (le communiqué de presse est disponible ici).

Cette contribution sur la SNANC a choisi de prendre en compte les attentes actuelles des citoyens pour une alimentation et des systèmes alimentaires plus durables. Elle a été adoptée par 41 voix pour (dont celles de l’Adéic et du Cnafal), 18 représentants des organisations de professionnels ayant voté contre et 8 s’étant abstenus.

Face aux pressions récurrentes des lobbies agroalimentaires visant à freiner toute évolution (des organisations professionnelles qui participent aussi aux échanges sur la SNANC, notamment au CNA), un collectif de 103 organisations environnementales, de défense des consommateurs, de santé et de solidarité, a décidé de s’adresser directement à la première Ministre, Elisabeth Borne, au printemps dernier, afin d’exiger une Stratégie qui soit véritablement à la hauteur des enjeux écologiques, sociaux et de santé publique auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés (lire la lettre commune).

Une politique d’environnement et de santé publique qui se doit d’être ambitieuse

Le gouvernement doit définir prochainement la SNANC, qui orientera jusqu’à l’horizon 2030 la politique alimentaire de la France. La problématique s’avère particulièrement sensible, dans le contexte actuel de bouleversement climatique et de renouvellement générationnel des exploitants agricoles. Faut-il, par exemple, continuer à produire du maïs dans des territoires où l’on manque cruellement d’eau ? Faut-il cultiver plus de légumineuses (bonnes pour la santé) alors que les ménages français en consomment de moins en moins ? Comment proposer des fruits et légumes bio, de la viande de qualité, à des prix abordables, à tous les consommateurs sur l’ensemble des territoires, y compris aux foyers les plus modestes ?

Les travaux poursuivis dans les divers Ministères concernés (Agriculture et souveraineté alimentaire, Environnement, Santé) ont pris du retard, sans doute en raison des pressions des organisations professionnelles de l’agroalimentaire (notamment de la FNSEA). Les derniers arbitrages devraient être rendus courant décembre. Une nouvelle concertation s’ouvrira alors au CNA, au Conseil National de la Transition Écologique (CNTE) et à la Conférence nationale de santé (CNS). Un débat public sera aussi peut-être organisé courant janvier, la publication de la version définitive de la SNANC étant prévue en février prochain. D’où l’importance de se mobiliser dès aujourd’hui pour faire entendre nos demandes.

Les enjeux sont importants car notre alimentation joue un rôle indéniable dans le contexte des évolutions climatiques observées, de l’effondrement de la biodiversité et du développement de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, diabète, obésité, cancers, etc…). Il faut noter que ces diverses pathologies, souvent liées à la « malbouffe », aux résidus de nitrates, de pesticides et autres perturbateurs endocriniens que nous subissons au quotidien, frappent en premier lieu les personnes les plus précaires.

Par conséquent, L’Adéic a choisi de s’engager en s’associant à une tribune, afin que la future SNANC soit à la hauteur des enjeux identifiés et qu’elle s’inscrive en cohérence avec le Plan pour la planification écologique qui a été rendu public cet été.

La transparence sur l’origine des denrées, ce n’est pas gagné !

Vous aimeriez savoir d’où viennent les fraises de vos compotes ou yaourts préférés, ou les noisettes de vos tablettes de chocolats. Quelle est aussi l’origine des tomates, du jambon, des champignons ou du fromage d’une pizza que vous achetez régulièrement ?

C’est un souhait a priori légitime et une information qui serait facile à donner aux consommateurs, cela ne relève pas en effet du secret industriel et la réglementation en vigueur en France en matière de traçabilité le permettrait aisément. Mais malheureusement vous ne le saurez pas !

L’Adéic et ses partenaires de l’ULCC ont participé, durant plusieurs mois, au groupe de travail du CNC portant sur « l’origine des denrées et de leurs ingrédients ». Force est de constater que les industriels de l’agroalimentaire, notamment l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires), se refusent apparemment à toute avancée significative à ce sujet. Malgré les multiples dérives observées au cours des dernières années (le scandale du sésame cancérogène révélé encore récemment, par exemple), la demande de plus de transparence émise par l’ensemble des associations de consommateurs n’a pas été prise en compte par le collège des professionnels. Même si un avis va pouvoir être validé prochainement, au niveau du CNC, le moins qu’on puisse dire est qu’il ne correspondra pas pleinement, dans ce domaine, aux attentes et aux exigences de plus en plus fortes des consommateurs.

L’information demandée sur l’origine du lait pour les produits laitiers, sur la provenance des matières premières pour les farines, les huiles ou les vinaigres, se heurte au refus récurrent des professionnels. Le prétexte souvent utilisé pour freiner toute avancée est lié à la réglementation européenne, qui n’exige pas aujourd’hui ces informations détaillées. Pour les multinationales de l’agroalimentaire, imposer ces informations pour répondre aux demandes des consommateurs français créerait donc de fait une « distorsion » et un coût supplémentaire, ce qui les pénaliserait en termes de concurrence commerciale. Cela obligerait également à revoir régulièrement l’étiquetage des produits car les approvisionnements changent, à l’échelle internationale, en fonction des opportunités d’achats (les prix du marché) et de la saisonnalité. L’autre raison probable mais évidemment non affichée est que beaucoup de denrées fabriquées en France (étiquette France mise en avant) ne sont pas cuisinées avec des ingrédients d’origine française et cela, pour les professionnels, il vaut mieux évidemment le taire, même si pour les consommateurs il y a un risque indéniable de tromperie sur la marchandise achetée. Pour obtenir plus d’informations, il faudrait donc faire évoluer et harmoniser la réglementation européenne.