Nous souhaitons vous présenter le témoignage d’une jeune étudiante, qui a essayé récemment de s’engager dans une formation, avec une partie du financement envisagée dans le cadre du CPF. Il est touchant et montre bien objectivement les dérives actuelles du système du CPF. Certes on peut acheter seul(e) désormais sa formation (alors qu’auparavant des procédures préalables de contrôle s’avéraient nécessaires) mais du coup on est contraint ensuite à assumer seul(e), sans aide, ses choix d’orientation professionnelle. Et quand on est isolé(e), sans soutien ni conseil approprié, on peut parfois se tromper. Il est souvent difficile alors de faire face seul(e) aux difficultés rencontrées. Face aux organismes privés de formation, un individu isolé, qui n’est pas juriste, ne sait pas toujours comment opérer. Nous avons engagé des échanges à ce sujet avec la Caisse des Dépôts et Consignations qui a été chargée par l’Etat de la gestion de ce dispositif. La démarche qualité affichée (certification Qualiopi), qui sera normalement mise en œuvre en 2022, pour toutes les formations susceptibles d’être financées par le CPF, ne permettra pas à notre avis de régler tous les problèmes actuellement rencontrés. Il y a aussi l’Humain à gérer, une aide personnalisée s’avère le plus souvent nécessaire quand des difficultés apparaissent avec des organismes de formation professionnelle, qui sont avant tout des entreprises positionnées sur un marché concurrentiel, ne l’oublions pas !
Et si je devenais sophrologue ?
Après des études de théâtre à l’université et dans le contexte sanitaire et social compliqué de 2021, je décide de laisser le théâtre de côté, pour un moment, et je commence à chercher une formation. A cette période, je suis un peu perdue et je cherche une formation courte. J’entends parler du CPF, le Compte professionnel de formation.
Il s’agit d’un dispositif de l’état grâce auquel je peux payer (en partie) une formation qui figure dans une liste de formations disponibles. Je tombe alors sur une formation pour devenir sophrologue. Jusqu’ici, je n’avais jamais envisagé ce métier, mais la discipline m’est familière et j’aime assez l’idée d’accompagner des personnes grâce à des pratiques de “médecine douce”, de les aider à aller mieux dans les moments difficiles.
Je trouve une école dans ma ville à Toulouse, à deux pas de chez moi. L’école propose une formation qui se déroule au choix sous trois mois ou six mois. Le coût total de la formation s’élève tout de même à 3500 euros. Je dois alors trouver un financement et je pense à faire un prêt à la banque. Après quelques jours, une amie me propose de l’aide pour financer la formation. J’hésite, puis je finis par accepter. La somme est tout de même conséquente pour moi qui suis en fin d’études et qui n’ai qu’un petit boulot alimentaire. Je contacte l’école. L’appel se déroule bien et l’on me certifie le sérieux de l’école et celui du diplôme reconnu par l’état délivré au bout de la formation. La personne que j’ai au téléphone m’incite fortement à me positionner sur la prochaine session, car il n’y a presque plus de places disponibles. Finalement, je rappelle l’école quelques jours plus tard et, la session étant complète, je me positionne sur celle qui débute en janvier 2022. Je signe ainsi le contrat (électroniquement) dans la matinée qui suit l’échange. Je prélève donc l’intégralité de la somme disponible sur mon compte CPF, qui sera transmise à l’école une fois la formation terminée. Je viens d’engager une somme de 3500 euros et pour mon petit budget, c’est énorme.
Et puis, il y a un moment de bascule. Je commence à douter sérieusement de l’orientation choisie et je me rends compte que la discipline de la sophrologie est problématique à bien des égards. La méthodologie de la sophrologie est inexacte, les preuves de son efficacité sont introuvables. Pire, la sophrologie, comme tant d’autres médecines alternatives ou pseudo-médecines, se retrouve sur le site de la Miviludes pour des raisons de dérives sectaires. Je me rends sur le site du CPF pour regarder les modalités d’annulation. Il est précisé sur le site que je peux annuler la formation jusqu’à sept jours avant le début de la formation, pour être remboursée intégralement. Je précise que la formation ne débute qu’en janvier 2022 et que nous sommes alors en septembre 2021. Puisque le délai est assez conséquent, je tarde quelques jours avant de contacter l’école. Je n’ai pas envie de me précipiter, je préfère prendre le temps de bien réfléchir. En réalité, il y a une ambiguïté : Le CPF a ses propres modalités d’annulation qui n’ont rien à voir avec les modalités d’annulation du contrat signé en parallèle avec l’école. En effet, le contrat que j’ai signé avec l’école m’empêche de me rétracter après un délai d’une dizaine de jours. Ainsi, peu importe les modalités d’annulation du CPF, si le délai de rétractation mentionné dans le contrat signé avec l’école est dépassé, il n’y a pas de retour en arrière possible. Je contacte l’école par mail pour leur expliquer la situation et pour tenter de trouver une solution avec eux. L’école me recontacte par téléphone et m’informe que je dois payer l’intégralité de la somme et qu’aucune autre solution n’est envisageable. Aussi, l’école ajoute que le tarif a augmenté et que je dois donc m’acquitter de 1000 euros supplémentaires, tandis que j’insiste longuement sur le fait que cette somme représente beaucoup d’argent et que je me suis mise en difficulté. Dans l’indifférence la plus totale, l’école me laisse deux choix : soit je fais la formation et je paie, soit je ne fais pas la formation et je paie. Je suis atterrée. Dépassée par les événements, et un peu honteuse vis-à-vis de la tournure que prennent les choses, je contacte d’abord une avocate qui n’est pas spécialisée dans ce domaine mais qui me fait comprendre que tout n’est pas perdu. En revanche, elle ne peut pas m’aider et payer un avocat m’est impossible. En cherchant sur internet, je trouve le site de l’ADEIC et j’envoie un premier mail. Je paie ensuite 35 euros l’année pour avoir un suivi juridique. Le juriste qui réceptionne ma demande me contacte très vite et prend en charge les futurs mails à envoyer à l’école. Lui, est très présent et me renseigne sur les étapes d’une éventuelle procédure avec l’école. Après quelques mails, aucune réponse de l’école ne se fait savoir puis, après une énième relance, l’école répond. D’abord, l’école est étonnée de ma position et de mon choix et dit ne pas bien comprendre la situation ainsi que la relance de mails. Finalement, l’avocat de l’école de sophrologie, qui a visiblement l’habitude de ce genre de conflit, accepte l’accord à l’amiable proposé par le juriste de l’ADEIC. L’école me propose alors de régler les frais de dossier qui s’élève à 990 euros. C’est une grosse somme mais je préfère accepter plutôt que d’engager une procédure qui serait potentiellement longue et dont la fin est incertaine.
D’une manière générale, il me semble que le CPF facilite et incite à se former, grâce à l’argent disponible sur notre compte. Mais les formations privées proposées peuvent être parfois problématiques et je crois qu’il faut bien être au clair à la fois avec les conditions de l’école et celles du CPF, d’autant qu’essayer de contacter le CPF est chose compliquée, voire impossible. Dans un tel emmêlement, et avec pour seuls conseils ceux des personnes de l’école chargées de vendre la formation, mieux vaut être pleinement lucide sur la formation, ce qui n’est pas toujours chose aisée, lorsqu’en fin d’étude et sans emploi fixe, une nouvelle formation diplômante rapide semble attrayante.